C’est moi qui éteins les lumières, Zoyâ Pirzâd

Tour du monde littéraire : Iran

C’est moi qui éteins les lumières,
Zoyâ Pirzâd

Traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ

Lu en français en janvier 2021

J’achève mon séjour en Iran par ce roman bien différent de mes précédentes lectures. Plus intimiste, plus ancré dans le quotidien, C’est moi qui éteins les lumières est le récit à la première personne d’une tranche de vie de Clarisse, la mère d’un adolescent, Armen, et des jumelles plus jeunes, Amineh et Arsineh. La femme d’un ingénieur de la « Compagnie » (une raffinerie) amateur d’échecs. La sœur d’Alice, désespérément à la recherche d’un mari. La fille, enfin, d’une femme envahissante et pleine de principes.

Dévouée à sa famille, Clarisse est bousculée au cours du roman par ses enfants qui grandissent, les sentiments que lui inspire le nouveau voisin Emile, les changements dans la vie de sa sœur et de ses amis. Sans grand drame, sans pathos ni exagération, elle se traverse ces turbulences et nous entraîne au fil de ses pensées avec une grande délicatesse. On découvre ainsi la vie de la communauté arménienne d’Iran, quelques bribes de son Histoire et on obtient un aperçu de sa culture.
J’ai beaucoup apprécié ce roman subtil, sans grand message ni jugement, et tout en réalisme. J’y ai gagné un autre regard sur l’Iran, qui n’est pas celui des élites intellectuelles dont l’exil plus ou moins temporaire forcé par le Shah ou la révolution les a amenés dans nos pays, où leurs livres nous ont ouvert les yeux (cf Persepolis, Désorientale, ou Jamais sans ma fille pour le regard occidental sur le régime post révolution). Certes, c’est une phase essentielle de l’Histoire du pays, qu’il est important de connaître. Mais soyons lucides : les émigrés ne sont qu’une petite partie de la population, et connaître un peu de la vie de tous les autres est important également… Ainsi, je mesure mieux la présence de la communauté arménienne, qui était déjà évoquée dans Désorientale par le biais de la famille maternelle de Kimiâ, en particulier sa grand-mère Emma qui témoigne du parcours de ses parents jusqu’à l’Iran. Je vois une femme qui ne parle pas une seule fois de voile ou de répression. J’écoute le musicien Vigen apprécié par Clarisse. Ainsi de suite… Ce sont quelques uns des fils qui tissent la toile de l’Histoire persane…

Musique : Quelques morceaux de Vigen

Fiche du livre sur Livraddict

Laisser un commentaire